Maurice Rollinat - Marches Funebres

Toi, dont les longs doigts blancs de statue amoureuse,
Agiles sous le poids des somptueux anneaux,
Tirent la voix qui berce et le sanglot qui creuse
Des entrailles d’acier de tes grands pianos,

Toi, le coeur inspire qui veut que l’Harmonie
Soit une mer ou vogue un chant melodieux,
Toi qui, dans la musique, a force de genie,
Fais chanter les retours et gemir les adieux

Joue encore une fois ces deux marches funebres
Que laissent Beethoven et Chopin, ces grands morts,
Pour les agonisants, pelerins des tenebres,
Qui s’en vont au cercueil, graves et sans remords.

Plaque nerveusement sur les touches d’ivoire
Ces effrayants accords, glas de l’humanite,
Ou la vie en mourant exhale un chant de gloire
Vers l’azur ideal de l’immortalite.

Et tu seras benie, et ce soir dans ta chambre
Ou tant de frais parfums vocalisent en choeur,
Poete agenouille sous tes prunelles d’ambre,
Je baiserai tes doigts qui font pleurer mon coeur !

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